La vie d’adulte: Serrer le coeur et les fesses.

J’écris cet article, en me disant « quand j’étais petite, quand j’étais plus jeune ». Je trouve ça
fou. Ça veut donc dire que je grandis, que le temps passe. Est-ce que je dois accepter que
je suis une adulte ? Une jeune adulte qui doit prendre des décisions. Une jeune adulte qui a
besoin d’argent. Une jeune adulte qui attend son prince charmant. Une jeune adulte avec
des rêves d’enfant dans le corps d’une adulte. Encore que, j’aurais bien voulu que mon
corps suive. Je suis minuscule comme trois pommes.


S’il y a une chose outre mon corps qui je trouve n’a pas changé, c’est ma personnalité à
quelques exceptions près : Dynamique, enjouée, pétillante, bosseuse, capricieuse à ses
heures perdues. Personnalité qui aujourd’hui est saupoudrée de plus de maturité,
accompagnée d’une coupe de doutes, un velouté de peines et blessures, un condensé de
mini dépression aromatisée de questions existentielles sur un lit d’ambitions et de craintes.
Je me suis décrite comme les repas d’une carte d’un restaurant étoilé parce que je le vaux
bien.
Depuis l’année dernière je n’ai cessé de me questionner sur ma petite personne. A quoi
aspire cette jeune femme en devenir ? Où va-t-elle ? Est-elle heureuse ? Suit-elle sa voix et
son cœur ? Anti conformiste ou conformiste ? Chacune de ses décisions sont-elles en
harmonie avec ses valeurs ? Elle a quitté ses parents, elle a quitté son cocon. Mais qui
est-elle ?

Parlons.
Je pense que si vous me lisez vous devez certainement être dans les mêmes
questionnement ou plus avancé ou pas encore à ce stade. Peu importe, on apprend toujours
de tout et de tout le monde.
5 ans plus tôt, j’ai quitté le cocon familial. Il s’en est passé du temps. Je peux dire que la
petite Célia a grandi. Je me remémorais des souvenirs, je regardais des photos et je me
disais au fond de moi « J’en ai fait du chemin ».


Libérée. Délivrée.
Voilà deux mots qui résumaient mon état d’esprit quand je quittais le cocon familial. J’avais
la ferme conviction que partir me permettrait de m’éloigner de tous ces traumatismes qui
étaient pourtant si ancrés. Je ferais mon deuil. Que je ne verrais pas mon père refaire sa vie
(ça me ferait moins de peines de réaliser que maman n’était plus là). Un nouveau départ, je
me le disais avec certitude.


J’ai grandi entre Calavi et Cotonou. Entre petite famille et grande famille jusqu’à mon bac.
Comment me décrirais-je à cette époque ? Une petite fille insouciante qui cherchait qui elle
était. J’ai perdu ma mère au début de mon adolescence. Et surtout la période où je
considère qu’on forge son caractère. J’étais parfois capricieuse et intenable. Je voulais faire
comme tout le monde, je voulais sortir comme les filles que je connaissais qui pour la plupart
était bien plus âgées, me maquiller, plaire. Heureusement, je voulais malgré tout réussir mes
études. J’étais encore entre rébellion et sale caractère quand j’ai quitté mon pays et surtout
ma zone enrobée d’encadrement et de prières. Je trainais inconsciemment avec moi et sur
mon épaule une blessure : « la peur de l’abandon ».
Je considérais alors que la suite allait se dessiner simplement. Que j’aurai un appartement,
que je sortirai à ma guise, que je vivrai la vie que je mérite sans parents et personne pour
me dicter qui être ou quoi faire. C’était sans compter sur le loyer, les démarches
administratives, l’hiver, la dépression, la solitude, l’école, les stages… je pourrais continuer
la liste mais on n’en finirait pas.
J’ai dit au revoir à ma famille un 09 septembre, en leur souhaitant le meilleur et en leur
promettant de faire de mon mieux. J’avais auparavant visité la France plusieurs fois pendant
les vacances d’été. C’étaient des souvenirs joyeux de shopping, de parc,de soleil et de
festivals. J’étais prête pour le shopping à gogo, pour la fashionista que je deviendrais.

Je serai la parisienne. D’ailleurs je n’ai jamais compris pourquoi au Bénin on pense que tout le
monde habite à Paris. Tu habiterais même à Nantes pour eux que tu restes et demeures La
Parisienne. Bref.
J’ai atterri dans un logement de 34 m2 avec une amie. Pendant qu’elle pleurait parce qu’elle
était déboussolée. Je faisais encore « ma thug » à ne pas comprendre pourquoi elle versait
des larmes alors qu’on s’apprêtait à vivre une vie de grande. (Personne ne m’avait prévenu
que la vie d’adulte était un scam). Je dis « adulte » parce que dès lors qu’on est éloigné des
parents, on devient le premier responsable de soi-même (sauf financièrement dans l’idéal).


Mes parents m’avaient remis de l’argent. Je suis allée à “Babou”. Le magasin qu’on
conseille pour l’achat de casseroles, serviettes, etc pour les personnes ayant un petit budget
et qui souhaitent s’installer. J’étais si fière de faire des courses pour ‘MON APPARTEMENT’
MON ! Je me suis alors installée et la vie a suivi son cours.


Ma première rencontre a été avec le froid. Le froid, quel être froid tout de même ! Quand il fait froid au Bénin, généralement on aimerait tous être dans nos lit à dormir. On associe souvent le froid (souvent rare sauf en harmattan ou en saison pluvieuse) a des moments cocooning. Au Bénin, quand il fait froid les jeunes ont tendance à dire que c’est le moment idéal pour être posé avec son crush. Ils appellent ça ironiquement “temps porno”. Tu parles !
Moi tout ce que je serrais c’était mon chauffage et je devais apprendre à vivre avec. Et ce n’était pas le pire. Le pire c’est que ça s’accompagnait d’un changement. Il faisait toujours nuit à 8h du matin et il commençait à faire nuit à 16h. Quand tu te réveilles, il fait nuit. Quand tu te couches, il fait nuit. Pour lutter, il faut se couvrir du mieux qu’on peut. Acheter un chauffage supplémentaire comme je l’ai fait ou pour les plus forts « tout se passe dans le tibia ».


Ma deuxième rencontre a été avec la charge mentale. Quand tu quittes ta famille tu deviens une lueur d’espoir, tu es un investissement. Quand on est brillant à l’école un minimum. On promet d’être major de promo, de tout donner. Le plus difficile a été de trouver mon rythme. Penser aux sacrifices de ceux qui payent, devient une charge mentale que tu portes comme une croix et qui guide tes pas. Certains s’en foutent plus que d’autres. Mais moi je ne voulais pas décevoir mes parents, ni donner raison à ceux qui pensaient que je m’égarerais parce que ma mère n’était plus là. Réussir ou Réussir. C’était ça ma devise ! Et cette vie d’adulte dont j’avais longtemps rêvé devint ma routine.


Mais elle n’était pas comme je l’imaginais.
A la fin de chaque mois, tu es redevable d’un loyer, une somme d’argent non négligeable que lorsque tu convertis en FCFA, tu en as le tournis. Quand je passais devant les boutiques de vêtements, j’avais de moins en moins d’enthousiasme. Je me disais que tout compte fait ce n’était pas très écologique d’avoir beaucoup d’habits.


J’ai grandi avec ma mamie, après le décès de maman. Vous connaissez les grand-mères. La mienne, c’est une vraie mémé gâteau. Mes caprices passaient toujours crème la plupart du temps. De plus, elle est croyante. Elle priait fort pour que le Saint-Esprit me touche. Il m’a bien touchée en France; c’est le moins qu’on puisse dire. Quand je rentrais de l’école, elle avait déjà préparé mon repas et un verre de bissap. Quand je devais dormir elle priait pour moi. Je n’aurais pas aimé être à la place des esprits mauvais à ce moment-là. Non seulement j’étais traitée comme une princesse, j’étais nourrie et protégée spirituellement. Ça n’a l’air de rien mais la spiritualité est un point non négligeable sous nos cieux.

En France, je devais m’organiser, faire les courses, cuisiner, me nourrir, lutter contre le froid, ne pas perdre de vue les objectifs, garder la foi. J’ai même oublié la liberté, le shopping, la vie de Louga. J’avais une chance il faut le dire j’étais en colocation avec une amie et j’avais mon meilleur ami de ce moment-là dans ma résidence. Bref je n’étais pas seule. Mais je devais grandir, travailler sur moi. En plus de tout ce qu’implique d’être loin des siens, tu dois te nourrir tous les jours. Si tu ne te fais pas à manger, personne ne le fera pour toi. Si tu ne laves pas tes habits, ils resteront sales. Si tu n’étudies pas, tu vas échouer. J’avais l’impression d’être un sims réel dont je devais dorénavant m’occuper et ce, même quand je n’en avais pas ENVIE. Tu es aux commandes de ta vie, mais en même temps tu ne peux jamais déposer la manette.


Ma troisième rencontre était la gestion de l’argent. Il y a cette ‘chose’ que j’ai toujours
rattaché aux adultes : l’argent. On m’envoyait de l’argent, je payais mes factures, je
subvenais aux besoins vitaux et quand il m’en restait je ne savais plus quoi en faire. Je
voulais néanmoins gagner plus d’argent, pour être indépendante. Ne serait-ce que pour ne
plus être une charge. Il y a ceux qui ne se sentent pas légitime dans leur travail et moi qui
avait l’impression que je ne méritais plus qu’on s’occupe de moi (Je ne sais même pas
pourquoi je pensais ça, je me sentais juste comme une charge).


Pour cette raison, cette année là en 2017, j’ai pris la décision de rechercher une
alternance pour la rentrée suivante. Moi Célia qui ne veut plus zouker dans l’argent de son
papa ? Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est que l’alternance, c’est un système que
promeut l’État français qui permet de cumuler les cours théoriques et un travail. Tu as un
salaire, ils payent ta scolarité. Que demander de plus ? Je ne m’imaginais pas la difficulté
que c’était de trouver une alternance.
Si jeune et déjà confrontée à une recherche d’emploi. Je n’y avais même jamais pensé au
Bénin. Le seul travail que je faisais, c’était parfois dire à mon papa que je ferai le ménage et
en échange je voulais une augmentation de mon argent. Et dans mes souvenirs ma maman
après ses études cherchait du boulot et elle disait souvent « Je suis fatiguée d’écrire j’ai
l’honneur de solliciter sous votre haute bienveillance ». J’en rigolais mais tout d’un coup ça
devenait moins drôle.


Premier refus petite larme, deuxième refus larme puis troisième, quatrième, cinqui…. Vous
voulez que je continue à compter ?
J’ai alors compris que la vie d’adulte s’annonçait palpitante. Autant dire que la source de
larmes tarissait. Je n’avais plus de quoi pleurer 😂.


Première leçon : Abandonner n’est pas une option faut serrer le cœur et les fesses.
À la suite d’une centaine de refus, BIM ! le goût de ça. J’ai reçu une acceptation 10 mois
plus tard à une semaine du deadline. Vous vous imaginez, j’ai commencé dix mois avant
l’échéance. Ce pays vous apprend qu’avant l’heure c’est bien l’heure. La joie de mes parents
après que je leur ai dit m’a fait oublier tout le travail derrière.
Indescriptible.

Deuxième leçon : Parfois les bénédictions s’accompagnent aussi de sacrifice.

Je devais vivre entre deux villes. ROUEN ET NANTES. Cinq heures en voiture pour se déplacer de l’une à l’autre. Bien évidemment deux logements obligatoires, une double vie. Mais j’étais reconnaissante et c’était tout ce qui comptait. De plus, mon mantra était clair : « A chaque jour suffit sa peine ».
Avant de vous en dire plus sur cette expérience, parlons même de tous les événements en
amont de cette alternance. Je ne pouvais effectuer une alternance qu’à condition d’avoir
effectué un stage ouvrier de 35h ou un job de 35h. J’ai été refusée par la poste, pour être
par la suite acceptée à Nestlé en tant que préparatrice de commande, puis mécanicienne de
train à la SNCF. Autant vous dire que je n’y aurais jamais songé. Aucun chemin n’est figé.


Comme l’a dit Frédéric Mazzella : « une carrière ce n’est pas un ascenseur qui monte d’un
coup. C’est un escalier dont il faut monter les marches »
. Avec les réseaux sociaux et les
réussites qui nous semblent soudaines, on peut avoir l’impression que nous sommes trop
lents à accomplir de grandes choses. Et rappelez-vous, c’est votre parcours. Votre bonheur.
Pas ceux des autres, encore moins de vos amis.

Troisième leçon: Apprendre à pleurer et à se relever.

Ne pas être dur avec soi. Croire fortement que lorsqu’une porte se ferme c’est parce qu’il y a une opportunité qui vous est destinée plus loin. Soyez comme un roseau, qui se plie mais ne se rompt jamais. Durant ces 10 mois intenses où je ne cessais de postuler, j’avais la ferme assurance que j’aurai ma chance : «Travailler comme si tout dépendait de soi et prier comme si tout dépendait de Dieu ». J’ai eu la chance d’être dans une équipe de jeunes comme moi où la bonne humeur était le moteur.

Quatrième leçon: In the mood for luck, experience and love.


Soyez prêt à faire des sacrifices mais également à récolter du bonheur. Les bénédictions peuvent s’accompagner de choix.
Pendant ma recherche j’espérais trouver au plus près. Mais j’ai fini à Nantes. J’ai aimé la
ville, j’y ai rencontré de belles personnes, qui sont aujourd’hui des personnes proches,
impressionnantes, motivantes. Bref soyez ouverts aux opportunités et osez sortir de votre
zone de confort.


En attendant, de vous partager l’histoire d’une vie ou du moins l’histoire d’une adulte encore
mieux la jeune adulte que je suis, autrement dit la demoiselle en pleine découverte de la vie
ou même…Bon je ne vais pas plus vous fatiguer. N’hésitez pas à me partager vos
expériences. Les plus belles leçons retenues depuis et les plus grandes difficultés que vous avez rencontrés. Les désillusions de la vie d’adulte.


Petite règle, faites comme chez mais on n’oublie pas qu’on est chez moi. XoXo
A retenir : Chaque épreuve vous en apprendra un peu plus sur vous.

Et je vous laisse sur une petite chanson de Jok’air qui me parle énormément.

2 commentaires

  1. Je retenais mes larmes depuis 4 jours parce que je pensais à ma mère qui est décédée y a pas longtemps et aussi parce que j’en ai marre de la situation que je vis actuelle. Ce soir j’ai décidé de pleurer afin d’évacuer toute ma peine et j’ai demandé à Dieu de me donner encore plus de force, de courage et de patience pour surmonter mon moment actuelle.

    Je suis tombée sur ton blog par hasard. Ça me parle, je m’y retrouve dedans et j’adore bien 😊❤️

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